erosetthanatos.pngÀ l’appel de moi, la porte reste close. Une minute file la seconde entre les pattes jusqu’à l’oubli avant qu’enfin un grincement ne retentisse dans la salle. La porte principale s’ouvre.
Éros et Thanatos entrent ensemble. Éros a enfilé sa main droite dans la poche arrière du jean troué par des brûlures et des scarifications fermées de Thanatos. Elle n’a pas changé et ne cesse de se transformer. Moi retient un filet de salive en revoyant son visage fin, ses pommettes souvent hautes et charnues, ses yeux toujours comme deux abîmes de lumières irrésistibles. Son style aussi continue de fluctuer. Une frange, des piercings, une queue de cheval tirée nettement vers l’arrière, impeccable sur elle, blonde à larges boucles, des canines légèrement plus longues, un sourire toujours attractif, des rondeurs, mince et délicate, un faciès fragile, une mâchoire canine. Éros change, se réinvente lentement, se mue selon l’évolution des désirs vivaces et passés de Moi. Parfois, elle pose la tête sur l’épaule de Thanatos bien plus grand et sec ou le touche langoureusement. En regardant Moi, elle s’arrête, tire Thanatos vers elle depuis sa poche, l’embrasse longuement. Sa main libre caresse les arêtes de ses côtes, va vers son entrejambe ou passe comme un souffle sur ses cuisses, son dos.

Thanatos ne change pas. Il conserve ses angles passéistes, ses traits masculins mortifères, son corps blessé et cette absence de beauté symptomatique. Falot, il marche pourtant avec une assurance infaillible et ce n’est pas qu’avec dégoût que Moi jette un œil sur lui. Moi ne l’aime pas, mais y aspire parfois. Seul ça en connait les raisons. Thanatos ne cherche pas de contacts avec Éros. Il les vit sans rejet, mais ne va pas vers eux. Tout son non-être n’est qu’os et maladie, une lettre vers la mort adressée à Moi. Un joint dans la bouche, il enfume toute la pièce et choque surmoi volontairement. En passant devant lui, il inspire une longue latte et lui crache au visage. Ce dernier, habitué, se contente de le réprimander. Il sait que rien ne le changera et voudrait simplement le voir disparaitre. Arrivé devant moi, il refuse le dialogue. « Faites ce que vous voulez, m’en branle. J’interviendrai en temps voulu... » cela dit, il va s’asseoir au derrière surmoi et tambourine un rythme du pied sur le dossier de sa chaise.
Moi est toujours sur la défensive avec Thanatos, mais il ne le rejette pas. « Comme tu voudras. Éros, quelque chose à dire ?» légèrement fusionnelle, Éros s’est assise à côté de Thanatos. Elle se lève pour prendre parole. Sa mini jupe vole au vent inexistant, ses jambes sont parfaites et ne changent que peu. « Et ben, j’me dis qu’on devrait peut-être ne jamais oublier que sans les autres on a pas beaucoup de plaisir. Enfin, j’veux dire, c’est dur de s’en passer quoi »
Ça ne l’aime pas mais est tout entier sujet de sa personne. Il veut répondre mais ne peut pas. Une énorme érection pointe sous sa peau de bête, il se touche et bave partout.
Thanatoseros.jpg Surmoi est en colère. Il les déteste tous les deux. « Oui, enfin c’est quand ça t’arrange. Le plaisir est féminin et tu le sais très bien. Tu feins pour défendre Moi et sans l’autre assis à côté de toi tu refuses l’amitié et ses plaisirs. Tu es factice et superficielle, il est manipulateur et machiavélique ». Surmoi les juge avec dédain. Sa haine pour eux ressurgit sur Moi et Moi en sort souvent en souffrance. Éros ne semble pas atteinte, Thanatos sourit et se ronge les ongles entre une lampée d’alcool et une latte.
Éros ne s’est pas rassise, sa poitrine a grossi, ses fesses rétrécies. « Oh, mais tu exagères tout. Détends-toi mon chou, c’est l’instant qui compte. La vie c’est la plaisir et le plaisir il est aussi dans les amis, c’est tout ce que je dis. Les amis sont des réconforts et du soutien et, tout ça, ça fait du bien. Et même si on doit en passer par Thana pour en profiter » Éros se tourne vers lui, se rassoit et le caresse. Ils ne font plus attention au reste du tribunal, seuls eux sont et comptent.
Surmoi exècre, il est rouge de frustration. « Évidemment, c’est facile pour vous, vous n’en payez jamais le coût. C’est Moi qui est là pour régler la note, vous vous contentez d’être ses petites litotes et de lui pourrir la vie en profitant de lui. Je pense qu’il faut s’imposer des règles et raffermir... » Surmoi n’a pas le temps de finir sa phrase.
Thanatos se dégage de la langue d’Éros et se redresse. Il est tout colère, tendu comme un I. Ça suit son envolée. Soudain, après avoir éjaculé en regardant Éros dans se relâcher, il montre les crocs et grogne à l’encontre de Surmoi.
Thanatos hurle : « Sombre idiot, tu n’es rien, un castré, une merde, tu ne vaux rien. Fous-toi tes règles au cul ! La vie c’est aussi la mort, rien ne les distingue, ne l’oublies jamais ! Toutes tes règles sont aussi utiles qu’idiotes. Du jour au lendemain, tout peut s’arrêter alors profitons-en pour se détruire comme il faut ! Les amis sont aussi là pour ça » son thorax cachectique se dégonfle, il retombe sur son siège et reprend ses activités normales. Éros se jette sur lui, elle est excitée et le lèche partout.
Ça se rassoit et se touche à nouveau devant une Éros en perpétuelle mutation. Surmoi a les traits aussi tendus que d’ordinaire et n’exprime que mépris. Entre eux, Moi ne sait pas quoi penser. Le sujet est difficile. « Bon, je n’arrive toujours pas à départager. J’avoue être dans la même impasse qu’au début. Quelqu’un a-t-il une idée ? » « J’aimerais faire entrer un intervenant » Surmoi est toujours debout, raide et droit. « Oui très bien qui est-ce ? » Surmoi se tourne vers la porte « Celui que l’on attend tous. Faites entrer Idéal ». La porte principale s’entrouvre, une ombre parfaite se dessine dans la lumière d’un extérieur sombre.