Le prochain texte, je ne sais pas trop quoi en dire...J'aurais essayé.

Cafard.jpg

Mots risques

Un jour d’été de mi-novembre, Maurice décide d’y aller sans prévenir, mais en post-retour. Les années avaient filé, sa résignation s’était lentement imposée après une pause zélée bien méritée. Aujourd’hui, il se devait de bouger les grammes de fiente du pigeon Skildi enfouis sous son scalp grisonnant en cuir de jante. La villageoise de Georges avait bien tenté une incursion, mais il avait dit : « Non ! Trop c’est trop ! Au pire, j’irais au bistrot après pour te voir Margot ». Elle râlait, mais il ne l’écoutait pas et laissa là cette rébellion mal à propos. Déterminé comme un militant du FN un jour d’élection dans le sud-est, Maurice avait enfilé son tweed en veste et de se coiffer un chignon avait pris la peine. La french class. Le béret en laine, le polo en peau de veau, le futal en velours de Meaux, un chignon dans la tronche et les Charentaises amphibies, il pénètre dans l’ombre de l’œuf pourri du métropolitain parisien. Dans son panier en osier délavé, reblochon et baguette font écho à un cancrelat qui passait par là. Installé contre le fromage, il se fait une miette et lit son journal. Dernier de la classe, il sèche, le cancre est las des cours, il préfère les paniers désormais !

Direction le cimetière du Père Dition, entre St Sulpice et St Stalle. Sa Mauricette l’y attend sous sa stèle de polystyrène poli et sa tombe en carton vulgaire. Et puis le gardien a appelé de nombreuses fois pour qu’il vienne récupérer les photos du temps de sa grande époque où elle était tout le temps en cloque et posait pour des magasines spécialisés dans les fourrures féminines. « Femmes enceintes et vieilles enceintes », « Glabre et gravide », « Fœtus sous placenta », « Grossesse et grosses fesses » ou encore « La gestation pour les cons ». La collection s’étendait jusqu’au plafond de la nécropole et s’alignait à l’horizon des tombes se relevant. Maurice s’achète un ticket à 18 francs 20 centimes mais avec orée et se dirige vers le poinçonneur. Dans son casque Bosch à pointe, un vieux groupe des nineties fredonne son amour pour les pétasses et, tout de suite, Mauricette s’y fait une place. Elle s’impose en proses passées au jaune de l’histoire du temps et met la dose d’eau de rose sur la nécrose de leurs avants. Les tapenades de grues rue du bosquet rasé, le rouge au raisin violet, les naïades des avenues, les clients en chiens de fusil ou en langues de chattes, les talons à épingles et les sexes à épines, tout y était pour donner un coup ou prendre une nuque. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques octogénaires en bas qui grésillent et deux trois grammes de mammaires en chute sur les hautes papilles.

La rame arrive à la nage. Maurice saute dedans et s’installe contre un noir en nage qui paraît à la dérive. Lui, il a rien contre les noirs. Pas comme son pote Mathurin qui pense qu’ils sont moins bien parce qu’il ne perçoit pas les contrastes et ne voit qu’en 2 dés. Alors, forcément, quand il joue au yahtzee avec Mamadou, il perd et se rue par terre pour ne pas se foutre en l’air.

Dans les sous-sols surélevés, Maurice écoute son son sans se soucier des soupirants souvent pires en ville qu’ailleurs. Par les soupiraux, ils glissent des mots et des démos, mais Maurice n'est pas démago et tout de go il soupire, les pousses du pied de nez sans renifler une fois de trop entre les pousses de sa culture particulière. La station arrive en rame, il se lève, salut le noir et laisse la place à la relève après avoir moiré le tissu du dessus. Propre comme un nouveau-né sortant du confessionnal, il réceptionne les fesses fripées d’une mamie pleine de manies et de tic et de toc et de tac usités que sa montre libère sur le plancher en noyer âgé. Maurice saute sur le quai avant qu’il ne s’échappe.

Le vent glisse sur les azurs de la mer de Pierre. Elle lisse ses trois poils sur le cailloux en le fixant avant de libérer le champ d’Arès et, par la même occasion, celui de Maurice. Il peut enfin apercevoir les murs immatures et verts du dernier plumard de sa belle des trottoirs. Ils gueulent, font la tronche, éclate leurs boutons blets et finissent par se calmer pour mieux recommencer. Maurice ne les calcule pas, il n’a plus de Casio depuis des lustres en cristal. Après réflexion et déflexion de leurs questions, il se faufile entre deux d’entre eux et trois points de croix aiguillés par les dards dards de l’astre du soir. Ce dernier est à la bourre, son antonyme l’engueule, lui rappelle les horaires puis le supprime à coups sourds qui dinent dans la gueule. Le bruit de l’embrouille réveille le cancrelat qui digérait et ça lui file le cafard. En bon cas sans fard, il bourdonne dans sa barbe de mie et passe la tête par une maille un peu défaite. Ses antennes captent mal, ses pattes sont enraillées, son teint mat est devenu pâle et un peu délayé. Le cœur au bord du lièvre, il saute le dessert, la lapine, et passe au plat principal avant de se faire la malle pour un beurre un peu mièvre mais bien clean. L’air des morts est bien vivace, ça le rebute, il se casse en faisant des culbutes avec son Maure.

Maurice parcourt les allers-retours, visite les stèles de granit, repart à la case départ et se résout à aller jusqu’au bout. Finalement, le gardien le voit entre les voiles de sa cabane en tôle de prison. Il bondit du lit, saute dans son pantalon depuis ses bretelles, rebondit un coup, enfile un pull et c’est fini, over. Il fulmine, des filets de fumée fallacieuse s’effilent de ses effets et s’enfilent sans effort sous les fils de ses fringues. « Mr Maurice, faudrait peut-être arrêter de déconner là ! Ça fait des piges que je garde vos vestiges. Rgardez-moi ça ! Y en partout de vos trucs fous des années floues, j’en veux plus ici, ça fait fuir les morts vot’ bordel. Rien que la semaine prochaine, j’ai trois ptits jeunes qui sont retournés à la vie après l’avoir fait dans leurs tombes. Imaginez un peu la stupéfaction des familles ! Ils seront outrepassés suite à un camion mal dépassé. Autant dire que leurs tronches sont pas passées. Dehors qu’ils ont commencé leur vie de décédés et maintenant ils se retrouvent stf. Quel triste sort pour des morts en vie tout de même ! Alors, ni une ni trois, vos trucs de grossesse et de pores nihilistes vous me les virez d’ici ! » OBAD.JPG Le gardien pointe du camus son nez contrefait et lui montre du doigt les piles de faces qui s’entassent et s’épilent sous le soleil volubile. Maurice est gêné. Son pantalon le gratte et son casque à pointe n’a plus de pile. En plus, ce lupus de gardien le démange et ça le dérange dans ses cogitations étranges. Il embarque les photos de magazines dans son panier, à côté du reblochon et du reste de baguette se résumant à un croûton sans résumé ce qui ne le surprend pas. Le cafard a fait fort! Sacré Joe!

Pimpante sur sa photo en noir et blanc, Mauricette broie du rouge par défaut de pouvoir le boire. Des plombes à patienter, l’attente est bien trop longue pour une si ptite tombe. Partout des croix pour marquer les jours et ouvrir les portes du Paradisio, la boîte de nuit des femmes comme elles, celles avec une maquerelle. Enfin du fin mais surtout pas au début, le Maurice déboule par la grand-rue le ventre plein et le panier dégarni, mais il s’en fout. La stèle remue, se déhanche, s’excite au-dessus de sa pierre tombale en trou sans ton mais avec un deux. Maurice accélère le pas, il s’impatiente et tente la course sur l’allée en gravier pas taillé. « Mauuuuuuriceeeetttttttte » « Mauuuuuuuuuriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiice », il la voit gesticuler sous son cadre délavé, elle le voit au trot tout bête débouler en piétinant des boules pas nettes. Plus que quelques mètres et ils seront de nouveaux ensembles du soir. Maurice pousse un pointe sans se piquer. Deux pas de plus et il sera papa. Mais là, Joe, le cafard, Joe le cafard anciennement chauffeur de taxi, roule dans sa chute de culbute avec son Maure et s’enroule dans papattes de Maurice. « Nooooooooooon » hurle en silence Mauricette depuis sa pierre d’hier fissurée et pleine de lierres. L’accident mais il mange bien, finit par arriver en arrhes rivées. Maurice paye sa dette à la mort en renonçant à l’amour. Ses pieds s’embourbent, ses chevilles crèvent, son panier se vide en l’air de rien. Il s’éclate par terre et explose dans l’atmosphère. Blasée, Mauricette le voit disparaître et neuf être. Dix ans qu’elle attend du le fils, dix secondes pour tout perdre, surtout le père. Joe est confus, mais ne peut rien faire pour ce con qui fut et n’est plus. Alors, il ramasse le panier, quelques photos, son Maure le laisse tomber en le traitant de tombeur de vieux, il n’est pas niais et sait être à propos. Joe va s’excuser auprès de Mauricette, mais elle s’est déjà cassée pour le Paradisio. Dans l’air un air de vieillard un peu austère traîne son mariage d’hier oublié pour un verre de vin d’Hyères.

Faim.